La redistribution2

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« Un homme qui est né dans un monde déjà occupé, s'il ne peut obtenir de ses parents la subsistance, et si la société n'a pas besoin de son travail, n'a aucun droit de réclamer la plus petite portion de nourriture, et en fait il est de trop. Au grand banquet de la nature, il n'y a pas de couvert mis pour lui ». (R. Th. Malthus 1798, 1ère édition de l'Essais sur le principe de population).

La redistribution représente « l'ensemble des opérations de répartition secondaire par l'intermédiaire desquelles une partie des revenus est prélevée sur certains agents économiques ou catégories sociales pour être reversées au profit d'autres ou eux même. […] son but est de réduire les disparités de revenus entre agents telles qu'elles résultent de la répartition primaire »

Les objectifs de la redistribution

La redistribution modifie le revenu disponible des ménages (revenu primaire - impôts directs et cotisations sociales + prestations) affecté à la consommation et à l'épargne. Pour atteindre ces objectifs l'État utilise différents instruments tels que la fiscalité, les transferts sociaux et les services publics justifiant ainsi son rôle « d'État providence ». La puissance publique cherche ainsi à réduire les inégalités économiques et sociales (dans une logique de solidarité) et assurer une couverture des risques sociaux (dans une logique d'assurance). La redistribution vise à atteindre un double objectif.

Les objectifs économiques

La consommation est l'un des moteurs de la croissance, donc une variable de la politique économique. Par la redistribution, la puissance publique peut affecter le niveau de la consommation des ménages (en altérant la propension marginale à consommer).

Dans une optique keynésienne de soutien à la demande globale, l'État peut favoriser la consommation en période de croissance ralentie (dispositifs de soutien à l'achat de véhicules neufs en 2009 et 2010, ou les15 engagement pour la croissance et l’emploi), contribuant ainsi à la relance de l'activité économique.

Réciproquement, en période de surchauffe et de tension inflationniste, l'État peut modérer la croissance des revenus disponible et donc stabiliser la conjoncture en exerçant une pression sur la demande.

Les objectifs sociaux

En accroissant le revenu disponible des agents les plus pauvres la puissance publique cherche à maintenir la cohésion sociale en contrôlant les inégalités de revenus, et à les maintenir à un niveau jugé supportable par l'ensemble de la population. Par ailleurs l'offre de services publics non marchands autorise la consommation de services sans distinction de revenu. Enfin l'accroissement de l'offre de certains de ces services (tel que l'Éducation nationale) permet, par exemple, d'élever le niveau de formation, gage d'une meilleur insertion professionnelle future.

Zoom 1 : Les différents concepts de revenu et contours du champ de la redistribution

Source Insee : les mécanismes de réduction des inégalités de revenus en 2008

[1]

Les modalités de la redistribution

On distingue deux modalités de redistribution : la redistribution verticale et la redistribution horizontale.

La redistribution verticale

Inspirée du modèle britannique du rapport Beveridge de (1942), elle est assurée par l'État et repose sur le principe d'assistance. Elle est fondée sur la solidarité entre les citoyens, et est donc financée par l'impôt. L'objectif est ici de réduire des inégalités monétaires de revenus et de favoriser la consommation, notamment par l'offre de services publics non marchands.

La redistribution horizontale

Inspirée du modèle allemand « Bismarckien » (1882), elle est assurée par les organismes de protection sociale (telle que la Sécurité Sociale et les mutuelles en France) et repose sur le principe d'assurance. Elle est fondée sur la solidarité entre actifs occupés et inoccupés, et est donc financée principalement par les cotisations sociales, malgré la part croissance de la fiscalité (dont la contribution sociale généralisée, la CSG), dans le financement des organismes de sécurité sociale. L'objectif est ici de protéger les agents contre les risques sociaux (ou événements qui affectent la capacité de travail et de gain d'un individu durant sa période d'activité, ou bien son niveau de dépenses).

Les instruments de la redistribution

La redistribution s'effectue par la fiscalité, la protection sociale et l'offre de services publics. La fiscalité (les impôts) et la protection sociale sont financées par les prélèvements obligatoires (ensemble des impôts et taxes et des cotisations sociales employeurs et employés). Le poids des prélèvements obligatoires (exprimé en % du PIB) est un indicateur des possibilités d'action, ou d'intervention, des pouvoirs publics.

La fiscalité

«La fiscalité est un puissant instrument de régulation économique capable d'influencer la consommation, d'encourager l'épargne ou d'orienter le mode d'organisation et de production des entreprises. Sous ce vocable, se trouvent les prélèvements obligatoires comprenant les impôts (prestations pécuniaires mises à la charge des personnes physiques et morales) les taxes parafiscales (instituées dans un but d'ordre économique, professionnel ou social au profit d'organismes professionnels), les redevances pour services rendus, les droits de douane (TVA sur les biens provenant des États non membres de l'Union européenne, de la taxe sur les produits pétroliers et des accises) et les cotisations sociales ». Source : ministère du budget.

Zoom 2 : Le poids des prélèvements obligatoires

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Par rapport aux autres pays de l’Union européenne, les recettes fiscales de l’État pèsent peu en France dans l’ensemble des recettes publiques (État, collectivités locales, administrations de sécurité sociale). Cette faible part des recettes fiscales bénéficiant à l’État est atypique parmi les grands États non fédéraux. Elle tient au fait qu’une plus forte proportion des prélèvements est en France destinée à financer le système de protection sociale, par rapport à nos voisins.

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Source : Recettes fiscales

D'une manière générale, un système fiscal est fortement redistributif lorsque les prélèvements progressifs y occupent une place prépondérante, par rapport aux prélèvements proportionnels :

  • un prélèvement progressif est un prélèvement dont le taux croît lorsque son assiette augmente. Le taux de prélèvement est alors plus fort pour les hauts revenus que pour les bas revenus (ex : l'impôt sur le revenu) ;
  • un prélèvement proportionnel est un prélèvement dont le taux reste fixe, quelle que soit son assiette. Le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est le même pour tous les consommateurs quels que soient leurs revenus

En France, le caractère redistributif de l'impôt s'exerce principalement par la progressivité de l'impôt sur le revenu. Pour l'IRPP, le taux d'imposition est progressif, c'est-à-dire qu'il croit, par tranche avec le niveau de revenu ; le taux le plus élevé sur la tranche la plus haute (ou taux marginal d'imposition) est aujourd'hui de 40%. Ce système permet d'imposer plus lourdement les tranches de revenus les plus élevés, tout en tenant compte de la composition familiale par le jeu du quotient familial. Zoom 3 Taux marginal d'imposition sur le revenu (loi de finance 2013)

Le barème 2013 portant sur les revenus de l'année 2012 est le suivant :

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Le gouvernement envisage d'ajouter une tranche supplémentaire qui s'appliquerait à partir des revenus de l'année 2013, afin de remédier au veto du Conseil Constitutionnel concernant une tranche à 67 % qui n'aurait été applicable qu'à certains revenus d'activité (dénommée communément « taxe à 75 % sur les très hauts revenus », le taux de 75 % incluant 8 % de CSG).

Répartition des recettes fiscales de l’État

Près de 90 % des recettes fiscales nettes de l’État proviennent de l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). La TVA compte en particulier à elle seule pour près de la moitié des recettes fiscales nettes de l’État.

Les ressources de l’État sont ainsi dans leur très grande majorité des prélèvements obligatoires. Cependant, certains prélèvements obligatoires ne bénéficient pas à l’État. C’est le cas en particulier de certaines ressources des collectivités locales (par exemple la fiscalité directe locale : les taxes foncières, d’habitation et professionnelle), ou des administrations de sécurité sociale (contribution sociale généralisée ou CSG, cotisations sociales et recettes transférées par l’État).

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Répartition des recettes fiscales nettes de l'État en 2013 (LFI 2013)

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Le consentement du citoyen à l’impôt

Ayant parfois le sentiment de supporter une part excessive du financement de l’action publique, tout citoyen doit pouvoir constater la légitimé de l’impôt. Le consentement à l’impôt par le citoyen est en effet un pilier central de la démocratie représentative. Ainsi, afin de clarifier et d’assainir les rapports entre les Français et leur administration fiscale, la Charte du contribuable a été créée en mai 2005, dans une logique de simplicité, de respect et d’équité.

La protection sociale

Elle désigne l'ensemble des institutions (sécurité sociale et mutuelles) et des mécanismes (de solidarité nationale par l'impôt ou de solidarité professionnelle par les cotisations) destinée à protéger les individus contre les risques sociaux entrainant une baisse de revenu (chômage, accident, vieillesse) ou une augmentation des besoins (charge d'enfants, dépendance des parents). Elle recouvre les régimes d'assurance sociale (sécurité sociale obligatoire, régimes complémentaires facultatifs et assurance chômage), les systèmes de retraites complémentaires et les mutuelles.

L'organisation de la sécurité sociale est repartie en branches (le risque couvert telle que la vieillesse, la maladie etc.) et en régimes (la population protégée telle que les salariés du secteur privé, de la fonction publique, et les régimes spéciaux comme celui des étudiants).

Source : http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF04602

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Les dépenses de prestations sociales (620,8 milliards d'euros) constituent la majeure partie des dépenses de protection sociale. Les prestations du risque pauvreté-exclusion augmentent de 5,6 % en 2010, traduisant la dégradation du climat économique et la montée en charge du revenu de solidarité active (RSA). Les prestations du risque emploi progressent encore rapidement (+ 5 % après + 13 % en 2009) en lien avec la montée du chômage.

Au total, la protection sociale contribue efficacement à la redistribution. Par exemple, les analyses d'Eurostat montrent une réduction de 50% du risque de pauvreté après transferts sociaux.

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Les services publics

Un service public est une activité exercée par la puissance publique (État et collectivités territoriales) ou déléguée sous son contrôle, dans le but de satisfaire un besoin d'intérêt général que le marché ne peut produire (faute de rentabilité par exemple). Un service public peut être assuré par l'administration (Éducation Nationale), par une entreprise publique (SNCF) ou concédé à une entreprise privée (restauration scolaire ou nettoyage de la voierie) par délégation de mission de service public.

Le financement de la plupart des services publics est assuré par les prélèvements obligatoires. Les services publics sont alors proposés à conditions non marchandes payantes (santé) ou gratuites (justice, éducation). D'autres services publics sont financés par les usagers (La Poste) et sont alors proposé à prix marchands. L'offre de services publics à titre gratuit ou non marchand correspond à une redistribution verticale et horizontale en rendant possible la consommation de services (éducation par exemple) sans distinction de revenus.

La redistribution verticale : les services publics étant rendus à titre gratuit sont financés par l'impôt. Tous les ménages payant un montant d'impôt différent, la délivrance d'un service public conduit à redistribuer les revenus verticalement. Le ménage qui ne paie pas d'impôt bénéficie des services publics au même titre que les autres ménages. En quelque sorte, les autres ménages lui ont versé une partie de leur revenu pour qu'il puisse payer les services publics.

Les services publics donnent également lieu à une redistribution horizontale de revenu, dans la mesure où ils profitent davantage à ceux qui les utilisent qu'à ceux qui n'y ont pas recours. Si le service de défense nationale est consommé par tous les ménages, il n'en est pas de même pour le service d'Éducation nationale par exemple.

Le rapport du Sénat (Bernard Angels « Retour sur l'économie des dépenses publiques »; juillet 2008 confirme l'effet redistributif de l'offre de services publics. « Les services publics fournis aux ménages représentent un montant comparable à celui des transferts monétaires inclus dans le revenu disponible des ménages. Les dépenses publiques concourant à la production de services publics ressortent comme redistributives, sous l'angle de leurs effets sur la distribution monétaire des revenus, quand on évalue la redistributivité à partir du rapport entre les quintiles extrêmes de revenu. Pour la France, ce rapport passe de 4,04 à 2,59, ce qui représente une contribution à la réduction des inégalités quantitatives de revenus de même ampleur que celle des prestations publiques sociales en espèces ».

Conclusion : L'efficacité de la redistribution

La redistribution réduit effectivement les inégalités des revenus disponibles, principalement par la protection sociale, puis par l'offre de services publics, et de manière plus faible par la fiscalité. Les instruments d'analyse montrent une réduction de l'écart inter décile (D1/D0) après redistribution. Le jeu des prélèvements et des prestations réduit ainsi le niveau de vie des 20 % les plus aisés de 22 % en moyenne. À l'inverse, le niveau de vie des 20 % les moins aisés est au total augmenté de 40 % par le système de redistribution.

Cependant, les mécanismes et l'efficacité de la redistribution sont aujourd'hui remis en cause, dans le cadre de la politique fiscale (poids des prélèvements obligatoires dans un contexte de concurrence internationale), comme dans celui du système de protection sociale (déficit de la sécurité sociale, coût du travail) ou celui de la réglementation des services publics. De plus, les inégalités sociales se maintiennent en dépit des moyens mis en œuvre, et le vieillissement de la population rend problématique le financement des futures retraites. Ces difficultés posent la question de l'efficacité de la politique de redistribution, remettant ainsi en cause la notion d' " État-providence ".

La redistribution est ainsi confrontée à trois crises :

  • Une crise financière (compte tenu des déficits budgétaire et du déficit du système de protection sociale). Les dépenses de protection sociale progressent depuis 50 ans, environ deux fois et demie plus vite que la richesse nationale. En 2008 les prestations sociales représentent 29 % du PIB contre 12 % en 1949. La sécurité sociale présente un déficit de près de 30 Md€ en 2010. Au total, le déficit global de la protection sociale est de 109 Md€ (rapport 2009 de la cour des comptes).
  • Une crise de légitimité : jusqu'où faut-il réduire les inégalités ? Les mécanismes mis en place contribueraient, pour certains, à l'inactivité en créant une trappe à pauvreté. En effet, les processus de protection (l'ex RMI ou le RSA aujourd'hui) rendent le revenu du travail à peine plus attractif que le revenu des prestations sociales, maintenant ainsi les agents dans l’inactivité.
  • Une crise d'efficacité, par le constat que la pauvreté ne régresse plus depuis les années 1990 (La France comptait 4,8 millions de pauvres en 2010 si l’on fixe le seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian et 8,6 millions de pauvres si l’on utilise le seuil de 60 % du niveau de vie médian), que les écarts de revenus s'accroissent dans les tranches supérieures et que l'origine sociale pèse encore sur la réussite scolaire ou sur l'espérance de vie (le taux de cancer est deux fois plus élevé chez les ouvriers que chez les professions

Pour aller plus loin...

Sitographie

Bibliographie

Titre Éditeur Auteur Date
Comprendre les politiques sociales Dunod V. Löchen Mars 2013
Le prix de l’inégalité Les Lien qui Libèrent (LLL) Joseph Stiglitz Sept 2012
La protection sociale : quels débats ? Quelles réformes Les cahiers français N° 358 octobre 2010 Cl. Jessua Oct 2010
Économie des politiques publiques Repères La découverte A. Bozio, J. Grenet Mai 2010
L'avenir des retraites Armand Collin M. Horwitz Mai 2010
L'économie des inégalités Repères La découverte Th. Piketty Juin 2008
Finances publiques et redistribution sociale Economica R. Pellet, X. Prétot, D. Rousseau et L. Philip Janv 2006
L'allocation universelle Repères La découverte Ph Van Parijs, Y. Vanderborghtj Mars 2005