Les grands principes de la justice

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La justice française s'organise autour de principes fondamentaux établis dans la Constitution : la garantie d'un accès aux tribunaux pour tous les citoyens et la garantie d'un procès équitable. Ainsi, la justice est rendue au nom du Peuple français.

Au Moyen-âge, « toute justice émane du Roi » : il reste encore de nos jours, l’imagerie populaire du Roi Saint-Louis, rendant justice sous un chêne dans la cour du château de Vincennes. Ainsi, la monarchie reposant sur le pouvoir absolu, il était inconcevable sous l’Ancien régime d’assigner un représentant ou une émanation du pouvoir devant un tribunal. Sous l’influence de Montesquieu en 1721 et J.J. Rousseau en 1771 (séparation des pouvoirs) et de Voltaire (affaires Calas en 1762 puis du chevalier de la Barre, 1766), une nouvelle conception de la Justice a pu émerger après la Révolution française et il a fallu un siècle pour commencer à voir se construire, pas à pas, la conception actuelle de la justice judiciaire et surtout administrative.

L'accès aux tribunaux

La conception française de la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) est un principe consacré par la Révolution française : la réorganisation de notre droit par le Code civil de 1804, dit code Napoléon, s’est faite en même temps que l'apparition de deux grands ordres de juridictions, formant chacun un ensemble hiérarchisé relevant de deux juridictions suprêmes :

  • la cour de cassation en 1802 pour l’ordre judiciaire : le code pénal est rédigé en 1810, les conseils de prud’hommes sont installés en 1806 et les tribunaux de commerce en 1807 ;
  • le conseil d’Etat en 1799 pour l’ordre administratif : création des conseils de préfecture en 1800, ancêtre des tribunaux administratifs actuels (1953).

Bien que certains principes soient communs, ces deux ordres de juridictions appliquent des règles de droit et de procédure différentes et sont autonomes.

Cette distinction repose ainsi sur la Constitution qui, on peut le rappeler, détermine la compétence de la loi (votée par la Chambre des Députés et la Sénat) et celle du règlement (décision du pouvoir exécutif). Ainsi le pouvoir législatif vote tous les textes nécessaires pour régir le droit des contrats (vente, location, construction…), le droit des biens et le statut juridique des personnes et de la famille (minorité, mariage, filiation…), autant de domaines qui relèvent des juridictions judiciaires. En cas de doute ou de contestation pour savoir si une affaire relève de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif, le Tribunal des Conflits désigne la juridiction compétente.

L'accès à la justice

Toute personne a le droit :

  • de faire examiner son affaire par un juge indépendant et impartial. Celui-ci a l'obligation de rendre une décision lorsqu'il est saisi d'une affaire pour laquelle il est compétent ;
  • d'être jugée selon les mêmes règles de droit et de procédure, applicables à tous ;
  • de se faire assister ou/et représenter par le défenseur de son choix.

Ces principes figurent dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950.

La gratuité de la justice

La gratuité de la justice signifie que les magistrats ne sont pas rémunérés par les justiciables mais par l'Etat. Mais cela ne signifie pas que le justiciable n'aura rien à débourser dans le cadre d'un procès. Ainsi en 2011, le gouvernement avait mis en place deux taxes (timbres fiscaux) de 35 euros pour l'introduction d'une instance et de 135 euros pour une affaire jugée en appel. La première, qui a été supprimée en 2014, devait aider au financement de l'aide juridictionnelle et la seconde, encore en vigueur, vise à constituer un fonds d’indemnisation de la profession d’avoués près les Cours d’appel. De nombreux autres frais doivent en effet être envisagés : frais de procédure, honoraires des "auxiliaires de justice" : avocat, huissier, expert ... La loi prévoit également que la partie au procès qui obtient gain de cause, puisse obtenir le remboursement par son adversaire de certains frais qu'il a dû engager. Ce sont les dépens.

Pour permettre aux personnes ayant des ressources modestes d'engager un procès et de faire face à ces frais, la loi a créé une aide financière, "l'aide juridictionnelle", prise en charge par l'État. Cette aide, versée directement au professionnel, couvre la totalité (moins de 886 € par mois) ou une partie des frais selon les revenus de l'intéressé. Ainsi, pour l'année 2008, le justiciable qui déclarait mensuellement plus de 1328 € ne pouvait prétendre à une aide juridictionnelle).

Le double degré de juridiction

C'est le droit du justiciable à contester une décision de justice devant une nouvelle juridiction. Toute personne dont l'affaire a déjà été jugée peut demander, si elle n'est pas d'accord avec la décision rendue, que son affaire soit réexaminée. C'est la procédure de l'appel. Les juges ont l'obligation de motiver leur décision, ce qui permet donc la contestation. Dans certains cas, il n'est pas possible de faire appel ; par exemple lorsqu'un jugement est rendu en "premier et dernier ressort", pour des litiges où l'intérêt en jeu est de faible importance (par exemple, concernant les décisions du tribunal d'instance portant sur des demandes d'un montant inférieur ou égale à 4 000 euros).

L'indépendance des magistrats

Elle assure que le juge, lorsqu'il prend une décision, appliquera la règle de droit sans se laisser influencer par des pressions extérieures, et notamment des pressions politiques.

La fixité et la permanence

  • La justice est permanente y compris les jours fériés et les dimanches pour une intervention en cas d'urgence. Le juge des référés, peut être saisi à tout moment, au besoin à son domicile. En matière pénale, une permanence existe pour permettre le jugement rapide de certaines infractions (flagrant délité par exemple).
  • La justice est fixe : les tribunaux et les cours sont établis en un lieu fixe connu des citoyens. Dans certains cas le juge d'instance peut cependant tenir des " audiences foraines ", c'est-à-dire en dehors des communes du ressort du tribunal dont il dépend.

La publicité des décisions de justice

Ce principe signifie que les débats ont lieu publiquement et que la décision de justice est rendue en présence du public. La loi prévoit tout de même que dans certains cas le public ne peut assister aux audiences, ce sont les audiences à huis clos (raison de sécurité, protection d'un mineur, affaire de vie privée, risque de trouble à l'ordre public…). Mais même dans ces cas, la décision sera rendue publique.

Le personnel judiciaire

On distingue les magistrats, professionnels de la justice nommés par le gouvernement et appelés juges de carrière, dont le rôle est de juger ou de représenter la société et de parler au nom du ministère public (l'Etat), des auxiliaires de justice.

Les magistrats

On distingue la magistrature assise de la magistrature debout. La magistrature assise est composée de juges indépendants et inamovibles. Ils rendent la justice. La magistrature debout (ou parquet) est composée des procureurs et avocats généraux qui obéissent aux ordres du Ministre de la Justice. Dans un tribunal ils défendent les intérêts de la société.

Il existe aussi, dans certains tribunaux, des magistrats non professionnels :

  • Élus
    • juge du tribunal de commerce
    • conseiller prud'homme
  • Désignés
    • juge assesseur au Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale
    • juré d'assise
    • juge assesseur des juridictions de mineurs

Le greffier

Il est le responsable de la logistique du tribunal. Au cours de l'audience, il est l'assistant des magistrats du siège pour transcrire les débats lors du procès, à dresser des procès-verbaux et à rédiger les décisions du tribunal. Il garantit ainsi l'authenticité des décisions du juge. Aucun procès ne peut avoir lieu en l'absence de greffier. En dehors de l'audience Il doit constituer les dossiers, enregistrer les affaires, rédiger les actes et prévenir les parties de la date d'audience. Il conserve les pièces, archives et actes dont il peut délivrer des copies (les grosses).

L'huissier

C'est un officier ministériel comme un notaire, propriétaire de sa charge et de sa clientèle. A l'audience il va appeler l'affaire et introduire les témoins. Les actes qu'il rédige sont des preuves parfaites. Il élabore des constats, des états des lieux, des saisies.

L'avocat

Profession libérale, l'avocat est chargé de la postulation et de la plaidoirie devant un tribunal. La plaidoirie est l'exposé oral de la défense de son client. Les avocats sont organisés autour d'un barreau (syndicat professionnel), présidé par un bâtonnier et qui dépend d'une cour d'appel. Un avocat peut plaider dans n'importe quel barreau de France mais ne peut postuler que dans le ressort de son barreau. Jusqu’au 1er janvier 2012, c’est un avocat au statut particulier, l’avoué, qui était seul compétent pour plaider devant une cour d’appel ou la cour de cassation. Cette fonction a disparu.

L'action devant le tribunal

L'intérêt à agir

Le demandeur doit avoir un " intérêt à agir " en justice. Cet intérêt doit être :

  • légitime (fondé sur une règle de droit),
  • personnel (sauf pour l'action des syndicats et des associations de consommateurs qui peuvent intervenir pour défendre des intérêts individuels),
  • né et actuel (un plaideur ne peut pas invoquer un préjudice éventuel ou recourir à une procédure préalable).

Le demandeur doit aussi avoir :

  • une qualité pour agir : c'est le titulaire du droit qui agit, mais ce peut être aussi ses héritiers, ses créanciers...,
  • la capacité juridique ce qui exclut les mineurs non émancipés, les majeurs en tutelle et les interdits légaux.

Deux mécanismes limitent dans le temps la possibilité d'agir :

  • la prescription : la possibilité d'action s'éteint après un dernier délai (dans la plupart des affaires civiles et commerciales, la prescription est de 5 ans depuis la loi du 17 janvier 2008).
  • le délai de forclusion (un délai est prévu pour exercer un recours, son expiration entraîne l'impossibilité d'agir).

Le principe du contradictoire

Il a pour objet de garantir les droits de la défense. Le juge a pour mission de s'assurer que les parties se communiquent entre elles les différentes pièces du dossier. Il doit ensuite soumettre les arguments et prétentions lors de l'audience et ce en présence des parties ou de leurs représentants. Chaque partie a donc la possibilité de faire valoir son point de vue, connaître et discuter les arguments et les preuves de son adversaire, échanger avec lui les éléments et les pièces de son dossier, tout au long de la procédure. La communication mutuelle et complète des moyens de fait, des éléments de preuve et des moyens de droit doit se faire spontanément en temps utile et par écrit, pour permettre dans le respect des droits de la défense, un procès loyal et équitable. La violation de ce principe du contradictoire constitue une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire.

Dans le cadre d'une procédure pénale, l'expression "droits de la défense" désigne l'ensemble des droits reconnus aux personnes accusées ou soupçonnées. Ces droits sont notamment le droit au respect de la présomption d'innocence, le droit à un avocat dès le début de la procédure, le droit à un procès équitable dans le cadre de débats contradictoires, le droit d'exercer des recours…

Le déroulement du procès

La procédure

La procédure utilisée lors d'un procès est qualifiée de :

  • procédure accusatoire : quand la recherche des preuves incombe aux parties, en matière civile, commerciale et prud'homale ; les parties dirigent donc le procès, le juge n'est qu'un arbitre passif ;
  • procédure inquisitoire : quand les juges recherchent les preuves : en matière pénale et administrative ; le juge dirige le procès.

Effets des décisions et voies de recours

La décision prise à l'issue du procès présente deux caractéristiques :

  • la force exécutoire : le bénéficiaire de la décision rendue peut en obtenir l'exécution par le recours à la force publique ;
  • l'autorité de la chose jugée : elle interdit qu'un même litige soit rejugé dans les mêmes circonstances (même juridiction, même cause, mêmes parties).

Les voies de recours sont des garanties. On peut distinguer :

  • les voies de recours ordinaires qui suspendent l'exécution de la décision : appel, opposition (action ayant pour but de faire annuler un jugement rendu en l'absence de la partie qui la demande : ce recours permet un réexamen de l'affaire par le tribunal qui a déjà statué) ;
  • les voies de recours extraordinaires qui ne sont pas suspensives d'exécution : tierce opposition (recours exercé par un tiers intéressé dans une affaire, mais qui n'a pas été partie au procès ou représenté), recours en révision (recours permettant de rejuger un procès pénal ou civil à la lumière de faits nouveaux), pourvoi en cassation.

Pour aller plus loin

Sites

Ouvrages

Titre

Editeur
Auteur
Année

L'essentiel de la procédure civile

Gualino

N. Fricero

2012

Les métiers du droit et de la justice

Onisep

Collectif

2012

L'essentiel du droit des libertés fondamentales

Gualino

V. Barbé

2012

Les métiers du droit

L’Etudiant

http://www.letudiant.fr/metiers/secteur/droit.html

2015

Les métiers du droit

Studyrama

http://www.studyrama.com/formations/fiches-metiers/droit-justice/

2014

Procédure civile : L'action en justice, le procès, les voies de recours

Gualino

M. Douchy-Oudot

2008

La justice en France

Milan

G. Cousteaux et J-C Pertuzé

2008

La 5e République - L'Etat de droit et de justice

Flammarion

J-L Quermonne

D. Chagnollaud

2001

Droits fondamentaux et règles principales du procès civil

LGDJ

B. Beignier

2000