Les tribunaux

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Introduction

Généralités

Les juridictions françaises - vidéo 9:23 mn [1]
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Les tribunaux sont des institutions chargées de rendre la justice. Au Moyen-âge, « toute justice émane du Roi » : il reste encore de nos jours, l’imagerie populaire du Roi Saint-Louis, rendant justice sous un chêne dans la cour du château de Vincennes. Sous l’influence de Montesquieu en 1721 et Rousseau en 1771 (séparation des pouvoirs) et de Voltaire (affaires Calas en 1762 puis du chevalier de la Barre, 1766), une nouvelle conception de la Justice a pu émerger après la Révolution française et il a fallu un siècle pour commencer à voir se construire, pas à pas, la conception actuelle de la justice. On distingue deux grands ordres de tribunaux : l'ordre administratif et l'ordre judiciaire

Les tribunaux de l'ordre administratif sont compétents pour les litiges qui opposent les personnes (physiques ou morales) et les administrations publiques. L'ordre judiciaire regroupe les juridictions civiles et pénales.

Spécificité française, cette dualité des ordres de juridictions une origine :

La monarchie de l’Ancien Régime reposant sur le pouvoir absolu, il était inconcevable d’assigner un représentant ou une émanation du pouvoir devant un tribunal. Mais cela aboutissait alors à un déni de justice que la population ressentait comme une injustice.

La conception française de la séparation des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) est donc un principe consacré par la Révolution française : la réorganisation de notre droit par le Code civil de 1804 dit code Napoléon s’est faite en même temps que l'apparition de deux grands ordres de juridictions, formant chacun un ensemble hiérarchisé relevant de deux juridictions suprêmes :

  • la cour de cassation en 1802 pour l’ordre judiciaire : le code pénal est rédigé en 1810, les conseils de prud’hommes sont installés en 1806 et les tribunaux de commerce en 1807 ;
  • et le conseil d’État en 1799 pour l’ordre administratif : création des conseils de préfecture en 1800, ancêtre des tribunaux administratifs actuels (1953).

Des vidéos pour illustrer

Dessine-moi l'éco - Par qui sommes-nous jugé(e)s ? Le juge de proximité
Le tribunal de police Le tribunal correctionnel
La cour d'assise Le tribunal de grande instance
Le tribunal de commerce Le conseil des prud'hommes

L'ordre administratif

Il comprend trois niveaux de juridictions :

Les tribunaux administratifs

Ils sont compétents pour les litiges entre les usagers et les pouvoirs publics, c'est-à-dire :

  • les administrations de l'État,
  • les régions,
  • les départements,
  • les communes,
  • les entreprises publiques.

Exemples : refus de permis de construire, contestation d'un plan d'occupation des sols ou du tracé d'une autoroute, expropriation, demande de réparation des dommages causés par l'activité des services publics, refus de titre de séjour, expulsion d'un étranger, contestations relatives aux impôts directs et à leur recouvrement, litiges relatifs aux marchés publics...

Pour certains litiges ils sont toutefois déclarés incompétents au profit de certaines juridictions spécialisées :

  • Commission des recours des réfugiés,
  • Commission départementale d'aide sociale,
  • Section disciplinaire des ordres professionnels (Conseil de l'Ordre des Médecins par exemple)
  • Commission d'indemnisation des rapatriés

La Cour administrative d'appel

Si l'une des parties n'est pas satisfaite du premier jugement, elle peut faire appel. La Cour administrative d'appel réexamine alors l'affaire déjà jugée.

Le Conseil d'État

Il vérifie que les Cours administratives d'appel ont correctement appliqué la loi. Il statue directement sur certaines affaires concernant les décisions les plus importantes des autorités de l'État (Président de la République et décrets du gouvernement). Il est situé à Paris, au Palais Royal.

L'ordre judiciaire

Les juridictions pénales ou répressives

Elles sont chargées de défendre la société en assurant la répression des infractions (excès de vitesse, vol, meurtre…). Elles infligent donc des sanctions-punitions. On peut distinguer quatre instances :

Le tribunal de police

Il est compétent pour juger les infractions les moins graves : les contraventions, c’est-à-dire les infractions que la loi punit d’une peine d’amende n’excédant pas 1.500 euros. Exemple : Le non-port de la ceinture de sécurité, le non-respect des feux de signalisation, l’excès de vitesse.

Le tribunal correctionnel

Il est compétent pour juger les délits c’est-à-dire les infractions que la loi punit d’une peine d’emprisonnement (inférieure ou égale à dix ans) ou d’une peine d’amende supérieure ou égale à 3750 euros. Exemple : vol, escroquerie, abus de confiance, coups et blessures.. Le tribunal correctionnel statue en audience publique et collégiale, en présence de trois juges et d’un Procureur de la République, représentant le ministère public. Mais un nombre croissant d’affaires sont confiées à un juge unique, notamment les comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (également appelée « plaider-coupable »).

La cour d'assise

La cour d’assise est une juridiction départementale composée de juges professionnels et de jurés populaires (tirés au sort sur les listes électorales). Elle est chargée de juger les crimes, c’est-à-dire les infractions les plus graves punies d’une peine de réclusion d’une durée minimale de 15 ans.

Toutefois, afin de désengorger les cours d’assises, et après une phase d’expérimentation entre 2019 et 2021, la loi du 22 décembre 2021 confie, depuis le 1er janvier 2023, le jugement en première instance des crimes punies de 15 ou 20 ans d’emprisonnement à une cour criminelle départementale composée de cinq magistrats professionnels. Si les jurés populaires en sont exclus, la loi prévoit d’expérimenter la participation des avocats honoraires en qualité d’assesseur.

Ces juridictions pénales s'adressent aux majeurs. Elles sont complétées par des tribunaux spécialisés dans les crimes et délits des mineurs (juge pour enfants, tribunal pour enfants et cour d'assise des mineurs.

Les juridictions civiles généralistes

Le tribunal judiciaire

Chargé de trancher les litiges opposant les personnes privées (particuliers, associations, entreprises) entre elles, le tribunal judiciaire (TJ) est considéré comme une juridiction de droit commun dans la mesure où il peut connaître de tous les litiges civils dès lors qu’aucun texte n’en attribue spécifiquement la compétence à un tribunal spécialisé.

Issu de la fusion, le 1er janvier 2020, du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance, dont il reprend l’ensemble des attributions, le TJ occupe une place centrale dans l’organisation judiciaire. Les TJ actifs comptent chacun au moins trois juges et un procureur. Ils sont organisés selon leur taille en chambres spécialisées. Le TJ connait de « toutes les affaires civiles et commerciales pour lesquelles compétence n’est pas attribuée, en raison de la nature de la demande, à une autre juridiction ». Il est en outre exclusivement compétent pour traiter certains contentieux, par exemple la propriété immobilière, les successions ou la matière familiale (filiation, mariage, autorité parentale).

Si la plupart des formations de jugement du TJ sont collégiales, certains juges uniques (comme le juge aux affaires familiales ou le juge du contentieux de la protection) y exercent une fonction spécialisée.

Les 125 tribunaux d’instance situés dans une commune différente du siège du tribunal judiciaire n’ont toutefois pas disparu en 2020 : transformés en « chambre détachés » du TJ, ils prennent le nom de « tribunal de proximité ». Leur compétence comprend essentiellement les actions personnelles ou mobilières (c’est-à-dire qui portent sur un droit ou sur une chose) jusqu’à une valeur de 10.000 euros, ainsi que les demandes portant sur l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas cette somme, et de nombreux litiges civils du quotidien.

Les juridictions civiles spécialisées

Les juridictions spécialisées, également appelées juridictions d’exception, désignent les tribunaux dont un texte spécial prévoit la répartition des compétences : à l’inverse des juridictions de droit commun, ils ne peuvent juger que des litiges qui leurs sont expressément attribués par un texte.

Le tribunal de commerce

Il est compétent pour les litiges entre commerçants, artisans ou sociétés commerciales : litiges entre commerçants dans l'exercice de leur profession (par exemple, si un marchand conteste la valeur d'une marchandise achetée à un autre commerçant),

  • litiges entre associés d'une société commerciale,
  • litiges nés de la vente d'un fonds de commerce.
  • litiges liés aux règlements et aux liquidations judiciaires.

Le tribunal de commerce est composé de juges non professionnels appelés juges consulaires. Ils sont issus du monde des affaires et élus par leurs pairs. Ils exercent leurs fonctions au tribunal à titre bénévole. Chaque tribunal de commerce comprend un président, un vice-président et des présidents de chambre.

Les greffiers des tribunaux de commerce assistent les juges consulaires, authentifient les décisions rendues et assurent diverses missions : conservation des actes, tenue du registre du commerce et des sociétés, etc.

Le tribunal paritaire des baux ruraux

Litiges entre propriétaires et exploitants de terres ou de bâtiments agricoles.

Le conseil de prud'hommes

Le conseil de prud'hommes (CPH) règle les litiges individuels entre employeur et salarié (ou apprentis) survenus à l'occasion de tout contrat de travail. Exemple : congés, durée du travail, salaires, discipline, licenciement, démission….

La singularité du conseil de prud’hommes tient à sa composition paritaire puisqu’il est composé de juges non professionnels appelés conseillers prud’homaux représentant les salariés et les employeurs, en nombre égal, nommés pour un mandat de 4 ans.

Le conseil des prud’hommes est organisé en plusieurs sections :

  • industrie
  • commerce,
  • agriculture,
  • activités diverses,
  • encadrement.

Avant de juger l’affaire, le juge prud’hommal a pour mission de concilier les parties. Celles-ci sont alors convoquées devant le bureau de conciliation. En cas de non-conciliation le litige est porté devant le bureau de jugement.

L'autonomie juridictionnelle du tribunal de commerce et du Conseil des Prud'hommes est importante mais elle se limite au premier degré de juridiction, la cour d'appel étant seule compétente en ces matières en cas d'appel. En outre, en cas de partage égal des voix dans une affaire prud'homale, un magistrat départiteur est nommé.

Illustrations

 Conseil des Prud'hommes Cyril Hanouna condamné à indemniser l’ex-régisseur de "Touche pas à mon poste"

INFO CAPITAL. La société de Cyril Hanouna H2O Productions a dû verser 17.585 euros d’indemnités à Christopher Tascon, un ancien candidat de la télé-réalité qui était devenu régisseur de Touche pas à mon poste. Il s’appelle Christopher Tascon. Vous l’avez peut être vu en 2009 sur TF1 dans la deuxième saison de Mon incroyable fiancé, où il faisait croire à ses parents qu’il voulait épouser un autre homme. Vous l’avez ensuite peut être aperçu dans Touche pas à mon poste lors de la saison 2013-2014, où il était le régisseur, touchant en moyenne 2.240 euros bruts par mois. Mais cette dernière expérience s’est mal terminée. Cyril Hanouna n’a plus fait appel à lui la saison suivante Lire la suite....
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Les voies de recours

La cour d'appel

L’appel est une voie de recours ordinaire permettant de faire réformer ou annuler la décision rendue par une juridiction de première instance : la cour d’appel est ainsi chargée de juger une seconde fois le litige. L’appel remet en cause l’autorité de la chose jugée afin qu’il soit de nouveau statué en fait et en droit. La Cour d'appel réexamine intégralement l’affaire. C'est le principe du double degré de juridiction. L'appel a un effet suspensif : l’exécution de la décision attaquée n’est plus possible (sauf si elle bénéficie de l’exécution provisoire).

Pour être recevable, l’appel doit être formé dans les délais (un mois à compter de la notification du jugement dans les procédures ordinaires).

La Cour d’appel peut confirmer ou infirmer le premier jugement en le réformant partiellement ou intégralement. L’appel est une voie de recours largement ouverte aux parties qui ne sont pas satisfaites de la décision rendue par la juridiction du premier degré (premier jugement). La modicité de certains litiges a cependant conduit la loi a imposé un seuil en deçà duquel la loi n’autorise pas l’exercice de cette voie de recours. On dit alors que je jugement est rendu en premier et dernier ressort. Ce seuil est appelé « taux de ressort » :

  • En matière civile il correspond aux litiges portant sur une somme ou une obligation inférieure ou égale à 5000 € depuis le 1er janvier 2020 ;
  • En matière pénale, seul l’appel de certains condamnations prononcées par le tribunal de police (notamment lorsque l’amende prononcée est inférieure à 150 euros) est limité.

La Cour de cassation

Située à Paris, la Cour de cassation n'est pas un troisième degré de juridiction. Elle ne statue qu'en droit et ne réexamine donc pas, en principe, le fond de l'affaire.

Le pourvoi cassation est une voie de recours ouverte à l’encontre des décisions rendues en dernier ressort, c’est-à-dire contre les arrêts des cours d’appel ou les jugements insusceptibles d’appel.

La Cour de cassation est chargée de vérifier la conformité de la décision rendue aux règles de droit, et ne se prononce pas sur le fond du litige.

Un pourvoi en cassation n'est pas suspensif.

Les cours internationales

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)

Créée 1952, la Cour de justice de l'Union européenne assure "le respect du droit dans l'interprétation et l'application" des traités. Dans le cadre de cette mission, la Cour de justice de l'Union européenne :

  • contrôle la légalité des actes des institutions de l'Union européenne,
  • veille au respect par les États membres, des obligations qui découlent des traités, et
  • interprète le droit de l'Union à la demande des juges nationaux.

Elle constitue ainsi l'autorité judiciaire de l'Union européenne et veille, en collaboration avec les juridictions des États membres, à l'application et à l'interprétation uniforme du droit communautaire.

La Cour de justice de l'Union européenne siège à Luxembourg.

La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH)

Instituée en 1959, la Cour européenne des droits de l’homme est une juridiction internationale compétente pour statuer sur des requêtes individuelles ou étatiques alléguant des violations des droits civils et politiques énoncés par la Convention européenne des droits de l’homme.

Depuis 1998, la Cour siège en permanence et peut être saisie directement par les particuliers.

Pour aller plus loin

  • L'essentiel des institutions, Gualino, N. Fricero, 2017
  • Institutions judiciaires, Montchrestien, R. Perrot, B. Beignier et L. Miniato 2017
  • Institutions juridictionnelles, Sup’ Foucher, F. Lasserre-Jeannin, 2010
  • QCM des institutions judiciaires, D. Roux et J.-P. Scarano 2008